De l'antipatriotisme étatique

Publié le par Nassim Guessous

Les politiques ont oublié qu’ils étaient là pour servir le peuple, pas pour se faire réélire à tous prix en faussant le débat par le racolage médiatique, l’absence de courage et l’imposition d’une vision court-termiste. En effet, bien que le débat politique actuel tourne essentiellement autour de l’immigration et des finances publiques, deux enjeux de société d’importance, le traitement qu’en font les hommes politiques, qu’ils soient des élus ou non, aveugle le pays.

 

Concernant l’immigration, il est consternant de constater que notre politique n’est qu’une politique du nombre. Certes, l’immigrant est parfois qualifié (au sens où ses compétences sont caractérisées) mais il ne l’est que dans le but d’établir des quotas. C’est le sens même de la politique de l’immigration choisie qui est présentée comme la meilleure des politiques en la matière. Il est vrai qu’elle permet d’apaiser un certain nombre de tensions à caractère raciste, puisque l’immigrant n’est pas là pour prendre la place d’un français (qu’il soit blanc ou pas) mais bel et bien pour occuper les places laissées vacantes par celui-ci. Le problème, c’est que l’être humain est dans le cas présent considéré comme un bouche-trou. On lui dénigre sa qualité d’homme en ne voyant en lui qu’un moyen de parvenir à une utilité collective maximal, ce qui sous-entend qu’il existe des hommes à qui ont octroi cette qualité pour des raisons intrinsèques (ils sont français, ils doivent être traités comme nos égaux), et d’autres hommes que l’on gratifie de cette qualité pour des raisons extrinsèques (ils sont utiles à la France, accueillons-les, traitons les bien).

 

En dehors du problème ontologique que soulève cette distinction, il est à noter qu’elle est d’autant plus dangereuse qu’elle est la porte ouverte à plusieurs dérives inhumaines, notamment celles qui consistent à considérer l’immigré non choisi comme une menace. Au delà des amalgames désormais banals entre insécurité et immigration, nos dirigeants s’appuient maintenant sur des chiffres peu glorieux qu’ils qualifient de « record » pour présenter l’échec de leur politique migratoire fondée sur un clivage entre l’Homme et le non-Homme  sous un meilleur jour, de manière à faire croire au vulgus pecum qu’ils mènent une politique efficace. Or, entendre l’archange Gabriel du sarkozisme (Claude Guéant ndlr) se targuer d’avoir exclu plus que son prédécesseur à la place Beauvau relève d’une part de la schizophrénie (on accuse les immigrés de ne pas vouloir s’intégrer… alors qu’on se vante de les exclure) et d’autre part de l’irresponsabilité.

 

En effet, cette attitude est symptomatique de l’attitude électoraliste anti-patriotique d’un certain nombre de nos dirigeants. Concrètement, jouer sur les peurs d’une partie de l’électorat français est nuisible à la France dans la mesure où cela l’enferme dans un mode de penser contraire aux valeurs essentielles de la République et où cela l’enferme au sens propre : les français, traditionnellement frileux vis-à-vis du phénomène de la mondialisation, en viennent à être encouragé dans ce positionnement autarcique. Or, l’économie française est extravertie, l’élite française est extravertie. Dès lors, ce langage politique haineux n’a pour conséquence, à terme, que de renforcer les clivages entre une France éclairée et une France dont on sclérose les représentations mentales.

 

Mais l’anti-patriotisme des politiques dépasse l’anecdotique politique migratoire et vient pourrir la puissance publique de l’intérieur. Souvenons-nous du courage qui habitait il y a quelque mois notre premier ministre, incapable de prononcer le mot rigueur, alors même que sa politique (renflouement nécessaire des banques) n’annonçait vraisemblablement pas une période de prodigalité du trésor public. La raison de cette frilosité était évidente : le choc exogène sur les fonds publiques provoqué par la crise des subprimes n’avait pas laissé le temps aux français d’envisager que l’Etat puisse éprouver des difficultés à soutenir l’effort consenti envers la population, alors même qu’il soutenait les institutions financières, pas particulièrement populaires même en période de croissance. Ainsi, le simple fait de prononcer le mot « rigueur » aurait valu à notre gouvernement, et à son chef en particulier, une chute vertigineuse de sa côte de popularité.

 

Mais alors, pourquoi évoquer aujourd’hui la nécessité d’appliquer une règle d’or dans la gestion des comptes publiques, règles qui limiterait les possibilités d’endettement de l’Etat ? Parce qu’une telle mesure est aujourd’hui plus acceptable qu’il y a quelques mois, et qu’il est même envisageable que le gouvernement en retire des bénéfices électoraux. Or, il s’avère que cette attitude est contraire aux intérêts de la nation, car nos gouvernants jouent avec la pérennité du modèle social français en ne se proposant de prendre les mesures qui s’impose que lorsque leur popularité ne peut en être entachée. Au lieu d’agir au bon moment quitte à en payer le prix politiquement, les politiques préfèrent prendre un risque pour le pays plutôt que de le prendre pour eux.

 

Charité bien ordonnée commençant par soi même, demandons aux représentants du peuple de se sacrifier avant de demander un nécessaire sacrifice à leurs concitoyens.

 

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