Justice et victimisation

            De la roche tarpéienne au Capitole il n’y a qu’un pas. Pour autant, il semble bien plus aisé de descendre du Capitole vers les fameuses falaises abruptes que d’emprunter le chemin inverse.  Y parvenir relève même de l’exploit.

            En effet, le dénivelé impressionnant de la falaise rend la tâche malaisée. D’ailleurs, peu de héros ressortent indemnes de l’ascension qu’ils entreprennent. Il est vrai que la chute, en plus d’être douloureuse, brise les étais qui soutiennent l’amour propre, l’image de soi, la perception des autres. Dans ce contexte comment envisager un retour de DSK en politique, quelle que soit la forme que celle-ci revête ?

            Tout d’abord, il ne faut pas oublier qu’il n’est pas lavé de tout soupçon (le cochon). Reste Mlle Banon qui tient bon et qui semble déterminée à en découdre avec Domi. Reste également à faire comprendre à un procureur américain qu’une fille malhonnête ne peut pas avoir été violée. A priori, compte tenu du lynchage médiatique dont Cyrus Vance Jr est l’objet (je ne dirais pas victime, il l’a quand même un peu cherché), celui-ci serait près à mettre au placard le peu de bon sens juridique dont il dispose afin qu’on le laisse disparaître en paix, dans le grand troupeau des populistes rattrapés par la patrouille. N’est-il pas ironique de voir celui qui se faisait le défenseur de la veuve et de l’orphelin contre les puissants corrompus, devenir à son tour l’attraction phare jetée à la vindicte populaire par des journalistes aussi prompts à retourner leur veste que le plus vil des pétainistes ?

            Car c’est là que réside le nœud du problème. Certes, les questions d’éthique soulevées en même temps que la jupe de Nafissatou ne peuvent pas être éclipsées, mais m’est avis que le sexe n’est pas l’enjeux principal de cet événement médiatico-politico-pornographico-juridique.  Les enseignements sont que, d’une part, médias et recherche de la vérité sont antinomiques, et d’autre part que la justice dans les pays développés, à l’instar de la justice américaine, est victime (paradoxalement) de la victimisation à outrance qu’elle même à mis en place.

            Il semblerait que les médias soient les premiers responsables de leur incapacité à servir de révélateurs de vérité (quoi que l'on dise). Ils créent eux même leur propre réalité parallèle à coup de décalage temporel (je tiens à préciser que je ne suis pas fou). En clair, ils sont tellement pressés qu’ils oublient que le temps juridique passe plus lentement que le temps médiatique, plus lentement que le temps de la masse d’incultes insatiables sur lesquels ils dégueulent leurs feuilles de choux et leur JT aussi profonds qu’un shot de vodka, ou que la personnalité de Justin Bieber.

            D’ailleurs, les journaleux n’ont plus beaucoup d’efforts à faire pour verser dans le sensationnel dans la mesure où les victimes sont partout. La justice est faîte pour juger. Donc pour s’occuper des accusés (en raccourcissant grossièrement à la manière d’un scribouillard prétendument suffisamment compétent pour valoir la peine d’être lu, entendu ou vu). Dès lors, il n’est pas normal que la victime homme ou femme, soit portée aux nues par le système, dans la mesure où, en faisant cela, la justice se transforme est défenseuse des victimes (présumées, ce qui est problématique) plutôt qu’en juge des (présumés) coupables.

            Certes, l’histoire dont il est aujourd’hui question se passe aux Etats-Unis, dont le système judiciaire est trop différent du nôtre pour qu’une comparaison entre les deux soit pertinente. Je tiens juste à rappeler quelque chose : les accusés d’Outreau ont été traînés dans la boue (à côté de ça DSK est en vacances aux Bahamas en train de boire du Sprite avec Megan Fox et Pippa Middleton) alors qu’ils n’avaient rien fait, et tout cela sur la base d’un témoignage calomnieux. Pourquoi ? Parce qu’on a défendu les victimes.

            Moralité : laissons le temps au temps. Laissons la justice faire son œuvre en nous intéressant à autre chose (par exemple au mercato de football).